Malgré le bon réseau du S-Bahn (RER) et du U-Bahn (métro), les bus et les tramways, il arrive cependant que le moyen le plus rapide d’aller d’un point A au point B, reste le vélo. Ce qui paraît tout prêt sur la carte, peut se révéler bien plus éloigné que prévu, surtout en hiver par une température de glace et un vent réfrigérant. Berlin est aussi spécialiste des looooongues avenues qu’il serait pénible d’arpenter pédestrement.
Il y a des loueurs partout, la journée oscille entre 10 et 12 €, et vous aurez à disposition une bonne grosse bécane bien lourde, genre char d’assaut sur deux roues, six vitesses, frein fourbe par rétropédalage, prête à avaler de la piste cyclable au kilomètre. Contrairement à Paris, le cycliste se sent et se sait en totale sécurité, dans les couloirs dédiés ou bien carrément au milieu des larges trottoirs, conçus à dessein.
Friedrichshain, vieux quartier de l’Est, est biffé par la Karl Marx Allee, vaste et large avenue, longue de 2 km (il fallait bien que les blindés puissent parader), symbole de l’esprit Ost-Berlin, bordée d’interminables barres d’immeuble, où les honnêtes et valeureux travailleurs du Parti s’entassaient. Sous les pourtant chiches rayons de soleil, les façades blondes s’illuminent et on trouverait ces alignements de béton presque pimpants. C’est un peu stalinien dans l’âme, rigide, sévère et uniforme, dessiné d’un trait de faucille mais le lieu est idéal pour faire les fous sur les vélos, tracer à fond les ballons et se défier sur 200 mètres. On arrive au bout les joues vermillon, l’humeur juvénile et plein d’entrain.
On peut ensuite revenir sur ses roues en pédalant sur la Mühlenstraße, et sa East-Side Gallery, longue fresque coloriant le Mur sur 1,3 km, réalisée évidemment après novembre 1989. Une centaine d’artistes du monde entier ont imagé cette ligne de béton de peintures bigarrées, drôles ou émouvantes, souvent liées à l’histoire de la ville, dans un esprit assez débonnaire et pacifiste.
Si vous aimez ce genre de lieu à la fois décalé et emblématique, même s’il attire une ribambelle de curieux, foncez à Tacheles (pourquoi un mot yiddish, mystère), dans le quartier de Mitte, avant qu’il ne soit trop tard. Même si le côté « alternatif et rebelle» a disparu depuis longtemps, la fermeture de ce vaste magasin de cinq étages en ruine, occupé durant vingt ans par des « artistes » et transformé en pseudo-squat plus que toléré, est imminente, pour une question de gros Euros tintants. Seule la friche où exposent les derniers occupants est encore accessible, les étages et les ateliers d’artistes sont déjà vides et hors d’atteinte.