Au sud des douces et sereines Serifos et Sifnos, s’étale une grande île volcanique, en forme de fer à cheval, vive, colorée et… moderne. Rien à voir avec ses consœurs, on change de monde et d’époque. Si Santorin dégage une forte présence géologique, elle est avant tout cycladique (architecture, atmosphère), ce qui n’est pas le cas de Milos. La richesse actuelle de Milos vient de ses mines, d’extractions dantesques, dans la partie Est : des complexes industriels massacrent l’île, la creusent à ciel ouvert sur des centaines de mètres, pour donner un ensemble de cratères béants d’où sans relâche, sont prélevés perlite, bentonite, kaolin, souffre, baryte, gypse. Le va et vient des gigantesques trucks flambant neufs monopolise les routes et vous ne ferez alors pas le fier à bord de votre petite Fiat Punto. Nous sommes tombés sur cet enfer de bruit, de poussière, de machines absolument par hasard. Evidemment une facette de l’île peu décrite sur les dépliants touristiques…

 

Mais la générosité de ses sols a aussi façonné Milos et l’a dotée de falaises, de côtes insolites et saisissantes, de rochers aux formes très inhabituelles et aux couleurs tranchées. Il est conseillé d’effectuer le tour de l’île par bateau pour admirer ses curiosités : immenses falaises d’orgues basaltiques, écueils de pierres déchiquetées, blocs vertigineux où on peut lire l’histoire géologique de l’île en suivant les strates colorées, petites criques camouflées sous les escarpements, cette balade est vraiment un enchantement.

Milos est aussi reconnu pour ses petits ports atypiques très colorés (Klima, Mandrakia ou Firopotamos), des anciens garages à bateaux, construits au raz de l’eau, creusés dans la roche, devenus des habitations, à un ou deux étages.

Passage obligé sur le site de Sarakiniko, le plus visité de l’île : cette petite partie de la côte est formée de rochers blancs, tout nus, lisses et arrondis, comme charnus, bulbeux, sans aucune forme de végétation. Le vent y souffle souvent en rafale et la mer perd sa douceur égéenne pour des bonnes vagues dignes de l’Atlantique.

Ses plages entourées de formations rocheuses rouges, ocres ou vertes, portent évidemment l’empreinte de cette vie volcanique et on est parfois surpris de découvrir des remontées d’eau chaude, des émanations de gaz ou des senteurs de souffre. Paliochori est un cours de géologie à elle toute seule.

Milos offre aussi de bonnes tables avec une mention spéciale à « Erghina », village de Tripiti, cuisine vraiment typique de l’île avec des plats jamais vus ailleurs. Pour moi une des meilleures tables de toutes les cyclades.

Cette île possède de très beaux atouts pour séduire le visiteur. Néanmoins, il lui manque pour moi une unité, une bienveillance et une rondeur. C’est bien la première fois que la « capitale » d’une Cyclade (le plaka, ou le chora) ne me séduit pas. Le port d’arrivée est déjà une petite ville contemporaine, pas un assemblage de cubes croulants sous les bougainvilliers. C’est une île moderne, offrant tout le confort possible mais manquant d’élégance et d’enchantement, à mon goût. Je traîne peut être aussi une image un peu désuète d’une certaine Grèce figée dans un autre temps (merci Lacarrière), agricole, humaine et préservée.