Habituellement, notre séjour dans la capitale grecque débute par une déambulation dans Exarchia, une longue descente chez Politeia (Πολιτεία) pour dénicher les derniers ouvrages consacrés à Karaghiozis, un retour par les Halles et Athinas, avant d’aller saluer la toute petite chapelle coincée dans Ermou, Kapnikarea, et de dévorer une excellente glace pistache au Cookie Land voisin.
Mais à se retrouver bien plus tôt qu’à l’accoutumée sous un ciel bleu printanier tout frais (en octobre !), on ressent comme une irrépressible envie de se mettre au vert, de garder cette quiétude matinale loin du brouhaha de la foule et de se reconnecter avec Athènes en la redécouvrant d’un seul regard.
En quittant Anafiotika, il suffit de rejoindre Dionissiou Aréopagitou, de passer devant l’odéon d’Hérode Atticus – que je trouve toujours aussi sublime -, de laisser les visiteurs monter vers l’Acropole et de bifurquer vers la gauche, sur Philopappou. En l’espace de cent mètres, on oublie le flot de touristes pour le calme d’une grande pinède qui monte tout en douceur. C’est d’ailleurs ici, selon une tenace légende urbaine, que Socrate aurait été tenu captif, dans les grottes situées en contrebas de la colline, avant de boire la funeste cigüe en 399 av. J.-C.
La colline est en fait celle des Muses, mais on la désigne plus souvent par le monument qui s’élève à son sommet, une sculpture funéraire en l’honneur du sénateur romain Gaius Julius Antiochus Philopappus (bienfaiteur de la ville et des arts), édifiée par sa sœur en 119 ap. J.-C.
Le monument n’a en lui-même que peu de d’intérêt, mais le panorama sur la ville est époustouflant. Le site est assez vaste pour multiplier les points de vue, de la mégalopole blanche au tissu urbain très dense d’un côté, à une magnifique perspective qui se teinte de bleu au Pirée de l’autre, jusqu’à l’image de carte postale de l’Acropole dans son ensemble. Ne boudons pas notre plaisir, c’est de Philopappou que le rocher sacré est le plus fascinant. Au calme sur le tertre que frôle une brise légère, au-dessus de l’agitation touristique et du tumulte du trafic de l’agglomération, on le contemple dans son ensemble, émerveillé que ce centre religieux bâti sur un site stratégique entre 447 et 432, soit toujours là pour témoigner de la toute puissance d’Athènes.
On peut redescendre, les yeux encore extasiés, par la petite colline des Nymphes, en passant par la curieuse église Agios Dimitrios Loumbardiaris. Ce nom singulier remonte au XVIIe, lorsque le commandant de la garnison turque installée sur l’Acropole décida de frapper les locaux qui rendaient en ces lieux hommage à Saint Dimitri chaque année. Alors que le canon appelé « loumbarda » allait être utilisé contre les croyants, le commandant et sa famille furent frappés par la foudre divine la nuit précédant le massacre annoncé, sauvant ainsi les fidèles et l’église byzantine. Agios Dimitrios Loumbardiaris ressemble de loin à un cottage lové sous les pins ; il faut s’approcher d’un peu plus près pour distinguer, derrière une avancée de bois, une petite église de briques, marbre et céramique. Cet espace de quiétude bien caché, à deux pas de la cohue de l’Acropole, est surprenant et reposant.
Un peu plus bas, entre les Muses et les Nymphes, la petite colline de la Pnyx abrite une vaste esplanade en demi-cercle, où l’assemblée des citoyens, l’Ecclésia, se rassemblait, au dessus de l’Agora. Le site n’est pas en lui-même palpitant, mais le chemin depuis Philopappou permet de tourner autour de l’Acropole et de l’admirer sous toutes ses facettes. En faisant ensuite un saut sur l’Aréopage, la « colline d’Arès » où se tenait l’organe judiciaire de la cité (en fait un énorme bloc de marbre épouvantablement glissant), on boucle un circuit superbe, inauguré par la visite matinale d’Anafiotika.
Pour clore cette journée passée sur les « cimes » d’Athènes, c’est sur la plus haute et la plus pointue qu’il faut bien sûr regarder le soleil se coucher (même entre deux averses… ). La légende raconte qu’Athéna, voulant que son temple sur l’Acropole soit le plus près des cieux, alla chercher sur le mont Pentélique un énorme rocher. Elle croisa deux oiseaux noirs qui lui annoncèrent de funestes augures. De colère, elle laissa tomber le rocher, haut de 227 mètres, qui se planta dans ce qui est aujourd’hui le quartier chic de Kolonaki. Si vous souhaitez préserver vos mollets, le funiculaire se prend tout en haut de la rue Ploutarchou, troisième rue sur la gauche après le Musée d’Art cycladique. J’ai utilisé le funiculaire un soir de pluie intermittente, pour éviter un gadin probable sur les dalles du sentier où l’on monte normalement à pied. Certes, l’endroit est très touristique, mais ce que la vue peut être fabuleuse ! On peut faire l’impasse sur la petite chapelle et le restaurant, mais on ne se lasse pas de regarder la nuit tomber sur Athènes, même sous ce qui n’était plus alors qu’un crachin. La lumière, les couleurs, les monuments qui s’allument les uns après les autres, le nuage d’humidité qui s’élève au-dessus de la ville, ajoutent du merveilleux et de la féérie à la gigantesque cité qui s’étale jusqu’à la mer.
Des endroits que je ne manquerai pas de visiter: ces vues sont époustouflantes, en effet! Merci!
Et dire que depuis tout ce temps, je ne suis jamais montée au Philopappou ! Il faudra que j’y pense la prochaine fois.