Si vous êtes un/e habitué/e des Halles d’Athènes, les marchés de Thessalonique ne vous déconcerteront aucunement. Le même bazar, les mêmes mélopées, la même hygiène toute relative, et les mêmes odeurs de viande qui vous collent la nausée. De chaque côté de la rue Ermou, s’ouvrent les deux marchés principaux. Entre Ermou et Vasileos Irakleiou, le vieux marché Modiano (du nom de son architecte, Eli Modiano), et plus haut, entre Ermou et Vlali, le marché Kapani. Le premier semble à l’arrêt, les allées sombres et silencieuses, les rideaux fermés, repère pourtant de formidables tavernes brutes de décoffrage – elles ne paient vraiment pas de mine – où l’on mange très bien (comme p. ex. la taverne Bazagiazi). Il reste quelques boutiques de volaillers, mais l’activité a visiblement décliné. L’état de la structure de 1922, les infiltrations d’eau y sont sans doute pour quelque chose (j’ignore par contre si une réfection ou une modernisation sont envisagées).
Dans Kapani en revanche, quel boucan ! Quelle agitation ! On entre par les étals de poissons, magnifiques, agencés avec précision et minutie pour attirer le chaland. Franchement, ça donne envie.
Tout le contraire du coin viande où l’on découpe sur les billots les carcasses des agneaux et des porcs, spectacle qui me répugne toujours autant. La trippe pendouille, les abats baignent dans des récipients douteux, la réfrigération des viandes semble en option… c’est un peu limite.
On respire davantage en sortant de l’autre côté, ravis de se nettoyer le nez et les yeux avec les amoncellements de fruits et légumes et les éventaires de fromagers. Un peu plus loin, c’est le règne des torréfacteurs, des marchands d’épices, d’olives et de douceurs (fruits confits, biscuits, baklava… on est fans !).
De la sortie de Kapani, on peut se perdre dans les rues jusqu’au Bézésteni (tout à côté de l’excellente taverne Rouga), vieux marché aux tissus ottoman datant du xve. Le lieu est toujours en activité sous ses six dômes bien restaurés.
Ensuite, c’est un plaisir de déambuler entre les deux rues bruyantes que sont Ermou et Egnatia, le nez en l’air à la recherche des petits détails, d’une jolie décoration de façade, d’une belle porte, où se mêlent les présences des habitants successifs. Je suis particulièrement sensible aux contrastes de cette ville qui a intégré les monuments byzantins, ottomans et modernes, certes dans une belle pagaille, mais sans les aseptiser ; les vieux bâtiments sont réadaptés à la vie moderne et font partie du quotidien des locaux.
Un peu plus bas que le marché Modiano, au croisement de Vasileos Irakleiou et de Komninon, on trouve le tout petit marché aux fleurs (louloudadika), qui jouxte l’ancien Yahudi hammam (le hammam des juifs, construit dans ce qui était alors leur quartier), bâti dans la première moitié du xvie. Le hammam a été renové et sert aujourd’hui de lieu culturel (fermé lors de notre passage).
Et si l’on continue, cette fois-ci de l’autre côté, en allant vers Agias Sofia, on tombe sur la place Athonos et son petit marché (épices, fruits et légumes, vanneries, échoppes de produits manufacturés ou faits main, dans trois ou quatre petites ruelles couvertes de vigne. Là aussi, les bonnes tavernes de quartier ne manquent pas.
Cette balade qui sur la carte se dessine dans un mouchoir de poche, nous aura pris près de quatre heures (hors pause déjeuner) ; parce que l’on prend son temps, parce que l’on s’extasie tous les deux pas sur nos découvertes, parce que l’on regarde vivre les gens, parce qu’on pousse des portes, et que l’on écoute des percussions de rue qui nous communiquent la bonne rythmique pour suivre le pouls de la ville, le sourire aux lèvres.