Nous avons toujours une appréhension en atterrissant à Athènes : état des lieux, température du climat social, ambiance, tension ou apathie… Si janvier avait tout du naufrage, en mai on sauve les meubles et les apparences pour la saison touristique ; les migrants ont été déplacés de la place Victoria vers les camps de rétention et les manifestations se font plus rares. Les derniers soubresauts d’une opposition à la politique imposée par la Troïka engendrent des grèves sporadiques des transports et c’est à peu près tout (suffisamment pour annuler même d’importants concerts à la dernière minute, comme celui prévu au Pirée le 26 mai avec Haris Alexiou, auquel nous avons dû renoncer, bus et métro répondant aux abonnés absents). Le passage en force des 7500 pages des énièmes élucubrations délirantes de Bruxelles, adoptées sans broncher par le Parlement, a fini par assommer définitivement les Grecs : « Τι να κάνουμε ; » est certainement la vaine interrogation que nous entendrons le plus durant ce séjour.
Alors, nous avons beaucoup déambulé, arpenté nos quartiers de prédilection, traîné dans les librairies, humé le printemps athénien en fleurs, bariolé de tags corrosifs : sans le vouloir ou presque, nos balades nous ramenaient sans cesse vers Exarchia (qui est, sans aucun doute, mon quartier athénien de prédilection, même si, comme le souligne la banderole de la photo… ), des placettes ombragées jusqu’à la rue piétonne de Methonis, en bas de la colline de Strefi, miraculeusement silencieuse dans le tumulte de la ville. La descente vers Monastiraki en passant par les Halles n’en est que plus brutale, lorsque l’on se jette dans le tintamarre, le trafic délirant et des odeurs à vous lever le cœur (pour la végétarienne que je suis, les effluves du pavillon des viandes par 28° vers midi est une épreuve).
Pour s’en remettre, le meilleur moyen est de descendre se mettre au frais dans un rade du quartier, au Diporto Agoras, à l’angle de Sokratous et de Theatrou. Pas de porte mais une trappe dans le trottoir qui descend dans une cave sommairement aménagée (voir la liste des restos, remise à jour, ici). Au-delà du bon repas pour pas cher que vous y dégusterez, c’est une atmosphère, une ambiance, une parenthèse chaleureuse, que vous vous offrirez. Le temps semble s’être arrêté dans ce petit lieu tapissé de tonneaux (où les habitués vont carrément se servir, d’ailleurs). Lors de notre dernier déjeuner athénien, nous étions les seuls touristes, entourés de Grecs de tous âges venus partager ensemble bien plus qu’une assiette de poix chiches et des sardines grillées ; une tablée de musiciens, une fois les fourchettes reposées, joueront doucement en sourdine des chansons populaires, juste pour le plaisir de l’instant. C’est dans ces moments suspendus que je sais que je suis là où je dois être, que ces séjours réguliers à Athènes ont un sens et que l’on pense déjà à revenir, en fredonnant avec les autres convives, Τίποτα δεν πάει χαμένο…
Je vais communiquer l’adresse du bistrot à Caroline, une autre de mes élèves. Elle descend toujours dans un hôtel de la rue Evripidou, tout près. Merci du tuyau.