J’étais sortie enthousiaste de ma première visite à l’Atelier des Lumières, qui proposait en 2018 une plongée dans l’œuvre de Klimt (là). Dans une fonderie du XIXe siècle gardée dans son jus, 140 vidéoprojecteurs animent sur 3 300m² les toiles d’un artiste, qui glissent sur les installations industrielles, au rythme d’une bande-son. Nul besoin d’être un spécialiste pour ouvrir de grands yeux émerveillés : les créations numériques de l’Atelier des Lumières n’ont aucune prétention à se substituer aux expositions officielles qui retracent un parcours, les évolutions de style, et qui s’intéressent aux sources de l’œuvre et aux courants que le peintre aurait pu à son tour inspirer.
Donc, c’est avec Van Gogh que nous avons cette année rendez-vous, le peintre des couleurs flamboyantes et des coups de brosse puissants. Dans les musées parisiens, il faut bien souvent jouer des coudes pour accéder aux pièces les plus estimées, que l’on ne peut admirer plus de 4 secondes, en raison des troupeaux de touristes impatients. Ici, les peintures projetées sur les murs de la fonderie dépassent, enveloppent, cernent le spectateur, qui est immergé au cœur de la toile de l’artiste. Or, le travail de Van Gogh se prête admirablement à ce jaillissement en grand format.
D’abord parce que les couleurs (à l’exception des pièces de jeunesse, sombres et pluvieuses) allument l’espace ; les contrastes entre les teintes saturées, les larges aplats de jaune et de bleu explosent tels des feux d’artifice, tandis que les étoiles tourbillonnent comme des soleils fous dans des ciels fiévreux.
Ensuite, parce que les effets de matière, les traces de pinceaux, la superposition des couches de peinture sont parfaitement nets sur des images de 10 mètres de hauteur : le trait tourmenté, appuyé et agressif, créé un mouvement qui donne vie et énergie à ses compositions.
L’œuvre de Van Gogh n’est pas présentée selon un ordre chronologique mais en fonction de thématiques, qui font plus appel aux sens qu’à l’intellect : la lumière provençale, la palette obscure des premières œuvres, puis l’ode à la nature, avec ses Tournesols, ses Iris et ses Amandiers en fleurs, puis les scènes urbaines, ensuite les tableaux les plus célèbres de son séjour à Arles, auxquels succèdent la série des Cyprès et la Nuit étoilée, les autoportraits et enfin, les grands paysages de la plaine d’Auvers, transforment la fonderie en une immense scène, où se déchaîne une symphonie d’images, vigoureuses et audacieuses.
Je suis un peu plus réservée sur la bande-son qui accompagne les changements de tableaux, mélange déconcertant voire même inintelligible, où l’on croise de la musique baroque avec du jazz, en passant par des scies rabâchées (Les quatre Saisons et la Moldau) dont je cherche encore le lien avec l’artiste hollandais.
Malgré cette petite faiblesse musicale, le rendez-vous avec les œuvres majeures de Van Gogh (que l’on aurait beaucoup de mal aujourd’hui à faire venir des quatre coins du monde) est un beau moment d’émotion à partager, surtout avec des enfants, qui restent bouche bée devant les tourbillons démesurés et la lumières des étoiles, qui illuminent le ciel contorsionné de l’homme à l’oreille coupée.