Les « chefs-lieux » des îles sont souvent bâtis sur les hauteurs, pour préserver les populations des invasions et de la piraterie. Folégandros a posé le sien en à-pic d’une falaise de 200 mètres, malmenée par le vent et les déferlantes.
Le kastro, comme celui de Sifnos, marque le village d’une empreinte d’un autre temps. On y accède à partir de la deuxième place, bordée de ses remparts immémoriaux (la première mouture du kastro date du XIII ème). Les habitations sont là aussi enserrées dans l’enceinte extérieure, sur le côté mer directement à l’aplomb de la falaise. Á l’intérieur, c’est le même alignement de maisons blotties les unes contre les autres, de vieux balcons de bois, de passages dérobés, de ruelles étroites, de galeries qui relient entre elles certaines des demeures. L’organisation de l’espace raconte les dangers, les moyens de défense, les villageois tapis et à l’affût. Aujourd’hui, le kastro est le lieu le plus calme du chora, retapé mais pas trop, dépourvu de tavernes et d’hôtels, une enclave historique bien vivante, colorée, qui a su garder son relief.
Le chora, qui épouse ensuite les courbes plus douces de l’intérieur des terres, est un beau village cycladique traditionnel construit autour de ses quatre places, abondamment fleuri, ponctué d’un nombre impressionnant de chapelles et d’églises, plus nombreuses que les tavernes. Le soir, le village s’allume, les terrasses des tavernes, bien à l’abri du vent sous les arbres, bruissent des conversations, les touristes s’interpellent, échangent leurs coups de cœur du jour ou leurs mésaventures dues à Air France, car on finit toujours par se croiser dans une île de 32 km2. Très peu de boutiques touristiques, deux, trois bars discrets pour siroter un ouzo, une boulangerie et un glacier excentrés dans les petites rues et c’est tout. Le matin, ce sont les marcheurs en route pour l’arrêt de bus qui arpentent les rues silencieuses.
Tout en haut de la première place, au bout d’un lacis blanc qui serpente doucement sur la colline, se dresse l’imposante église de la Panagia, qui domine de toute sa masse crayeuse la côte Nord de l’île. Á l’abri de son mur d’enceinte, ses larges flancs abritent un lieu de culte un peu mastoc, qui manque de finesse et d ‘élégance. Mais l’essentiel n’est pas là ; il l’est, dans cette « citadelle sacrée» érigée, qui veille sur le chora et son kastro, vers laquelle on se dirige entre chien et loup pour regarder le soleil s’éteindre dans les flots. Ceux qui arpentent le chemin prennent leur temps, s’arrêtent à chaque méandre pour embrasser du regard le paysage sauvage et rude, s’imprègnent de cette nature brute comme on se fait doucher par des embruns. On sent que quelque chose nous dépasse, surtout lors de ses soirs de septembre déjà frais et venteux, où l’on se fait un peu malmener par les bourrasques. On se pose alors de longues minutes, les yeux fixés vers le large, un vague sourire aux lèvres, en affinité avec les éléments. Le soleil disparaît, les lumières fléchissent, le ciel se teinte d’un doux gris laiteux, les reliefs s’estompent et on se sent bien.