Quand on est dans une ville pour trois jours, il faut faire des choix et souvent revoir à la baisse ses prétentions de visite. Le centre historique proposant pléthore de musées intéressants, on se gratouille le cervelet lorsqu’une matinée de libre a été prévue dans l’emploi du temps : balade le long de l’Escaut et visite des quartiers Nord, ou Sud ? Le Sud (Zuid) abrite bien le musée royal des Beaux-arts, mais il est fermé pour travaux jusqu’en 2018. Le secteur est fameux pour abriter le musée de la Mode et les créations des « Six d’Anvers* », sujet qui me passionne autant que la physique quantique et la dualité onde-particule (Pierre, désolée… ).
Nous ferons malgré tout un détour en vélo, pour remonter ces larges avenues bordées de bâtiments XIXe, qui convergent vers des places ornées de statues ou de fontaines. Le Zuid attire aussi les noctambules, dans les bars et restos branchés, les galeries et les entrepôts rénovés… mouais, pas convaincus, pas séduits par le quartier qui manque un tantinet de caractère**, nous retournons nos guidons plein Nord.
En suivant l’Escaut, on rejoint le Het Steen, reste d’un château construit à partir du XIIIe, fortifié au fil des siècles, pour protéger la frontière naturelle de l’Empire germanique qu’était le fleuve, devenu prison, puis musée, fermé en 2008 – plus grand’ chose à voir, donc. Il fait un peu château d’opérette (j’ai même cru un instant qu’il s’agissait d’une mauvaise reconstruction de pacotille, honte à moi !), un peu trop retapé et léché à mon goût.
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Passé le Het Steen, on circule le long d’une friche portuaire, où sont exposés des bateaux et des vestiges du passé industriel et maritime du port ; il me suffit de trois barcasses, de quelques vieux chalands, d’une gracieuse hélice, pour recouvrer un bel entrain, que le Zuid un peu fade avait émoussé. Bon sang breton ne saurait mentir !
Á quelques encâblures, on arrive au bord du bassin Bonaparte, sur l’ancien port d’Anvers, d’où surgit le MAS – Museum ann de Stroom (musée au Fil de l’Eau), tour habillée de rouge et de verre, conçue tel un entrepôt vertical, un jeu de construction de conteneurs empilés. Cette protubérance un peu hautaine s’intègre parfaitement dans le décor, les architectes ayant pris soin de garder, pour l’esplanade qui s’étend autour du musée, les mêmes matériaux, des « pierres de sable », rouges et brunes.
Chaque étage raconte l’histoire de la cité portuaire, du Moyen Âge à nos jours et ses échanges avec le reste du monde, grâce aux 470 000 pièces issues du musée national de la Marine, du musée du Folklore, du musée ethnographique et du musée royal des Beaux-arts, durant sa période de rénovation. Mais la « muséographie » est tout sauf académique, puisque même sa réserve de 170 000 objets non exposés est accessible au public : le MAS est considéré comme un lieu de vie, avec sa « promenade » extérieure, sa terrasse panoramique, son resto deux étoiles, sa salle des fêtes (nous y avons même croisé des Anversoises venues enterrer leur vie de jeune fille, habillées en bunny, chose que j’ai rarement vue au Louvre…). Les longs escalators qui mènent à la terrasse sont habillés d’une gigantesque expo photos sur l’exode des Belges durant la Première Guerre mondiale ; le visiteur n’est plus passif devant des petits clichés accrochés sur un mur, il est projeté assez violemment au cœur d’une tourmente qui le dépasse, au propre comme au figuré.
Cinq étages sont consacrés aux expositions permanentes, que l’on visite selon des thématiques et ses propres intérêts : Démonstration de puissance / Métropole / Port mondial / La vie et la mort (deux étages d’ethnologie existentielle, sans rapport avec Anvers). Nous nous sommes longtemps attardés au 6ème, superbe plateau rempli de maquettes de gréements, de bateaux de commerce, de cartes, retraçant les grandes heures du négoce anversois, avec le reste de l’Europe d’abord, puis avec l’Orient, enfin jusqu’à l’époque moderne où le conteneur devint une nouvelle unité de mesure.
On passe facilement une demi-journée au MAS, sans voir le temps filer, car entre les niveaux, on ressort sur la promenade, on s’aère, on découvre la ville selon des points de vue différents, sous un ciel du Nord si changeant…
* Ann Demeulemeester et Dries Van Noten sont les seuls que je connaisse.
** À moins qu’il ne s’harmonise pas du tout avec les images préconçues que nous avions d’Anvers, possible.
De très jolies photos d’Anvers ^^
Si seulement nous avions eu beau temps….