Lundi 05 mars, Garnier ouvre les réservations pour Hippolyte et Aricie de Rameau, dirigé par Emmanuelle Haïm, avec Sarah Connolly dans le rôle de Phèdre. Le genre de rendez-vous que l’on ne souhaite manquer sous aucun prétexte, – tant la mezzo anglaise se fait rare sur nos scènes françaises -, et que l’on a entouré de carmin bien épais sur son calendrier. Quelle ne fut pas ma stupéfaction de découvrir en fin d’après-midi, qu’aucune place n’était déjà plus disponible pour les six premières représentations, et que les sièges restants pour les six dernières s’adressaient à de prospères nababs : 180 euros le fauteuil, vlan, c’est brutal, c’est inabordable (180 € * 6.56 = 1 180.80 Francs / hé oui, en francs, l’indécence de la somme scintille de tout son lustre). Il ne restait pour la dernière, début juillet, outre ces coussins pompeux pour rupins, que des places au paradis (comprendre l’amphithéâtre, 4ème étage, où s’entassent les « pouilleux »). J’entends d’ici les hurlements d’orfraie de mon ami doux – « 3h20, dans l’étuve, tout en haut, visibilité réduite, mal assis, une plaisanterie, j’espère ? » Ben non, entendre (à défaut d’écouter) et apercevoir (à défaut de distinguer) Sarah depuis les hauteurs, c’est tout ce qui nous reste, au premier jour des réservations.
Ce n’est pas la première fois que je me casse le nez pour des spectacles baroques. Que nous soyons nombreux à aimer cette musique et à nous déplacer pour de grandes voix est indéniable. Mais que l’on ne trouve plus de places décentes huit heures après l’ouverture des réservations est insensé. Il ne faut pas s’étonner ensuite que le public se compose en grande partie de riches touristes et de retraités aux poches pleines. Garnier et Bastille sont pourtant des théâtres subventionnés par nos impôts, à plus de 100 millions d’Euros pas an.
Mais comme si cette politique de gestion des places n’était pas suffisamment défaillante, la direction de Garnier, à défaut de pousser les murs, a décidé d’augmenter le nombre de places, dans une salle qui a déjà tout d’un sauna et où l’espace vital ne dépasse pas quelques centimètres (spectateur de plus d’1.70m, vos genoux seront terriblement éprouvés) : rang supplémentaire en baignoire, places ajoutées au fond des loges, on tasse, on fait rentrer au chausse-pied, on comprime. Non seulement ces places sans visibilité, inconfortables et exigües, ne sont d’aucune utilité mais elles s’accompagnent d’une revalorisation des prix des autres places de la loge, qui passent alors dans la catégorie supérieure… astucieux, non ? Et surtout affligeant.