Impossible de partir à la découverte de nouvelles îles sans un petit séjour athénien, préambule pour se replonger dans l’ambiance et postface consolante avant le vol du retour. Nous y reprenons nos marques, évaluons l’avancée des travaux du quartier (je désespère de voir un jour la cathédrale déshabillée de ses échafaudages), arpentons nos rues de prédilection, allons saluer le barbier, l’antiquaire et le glacier. Ensuite, visite de courtoisie pour Psiri, Exarchia, les librairies de l’université, le marché d’Omonia… le temps file sans s’en apercevoir. La liste des restos d’Athènes – post de janvier 2014 – a été remise à jour (ici), puisque nous avons ajouté un Gazi nocturne à nos mises en jambe athéniennes.
Ce quartier est construit autour de l’ancienne usine à gaz réhabilitée : elle abrite désormais un musée, pour raconter ce patrimoine industriel qui a fourni énergie et éclairage dans Athènes au sens large, pendant 130 ans. Si les bâtiments se visitent de jour, le site reste accessible et illuminé la nuit. Tout Gazi en fait s’allume au crépuscule (alors qu’en journée, c’est morne plaine… ) pour accueillir la jeunesse dorée d’Athènes.
Á partir de 22h00, la station Keramikos déverse des wagons de jeunes vêtus à la dernière mode (et quelques excentriques), qui exhibent les signes d’une richesse en rien entamée par la crise économique ; on y vient, on s’y fait voir, c’est branché, tendance, bruyant et ultra cher – mais l’ambiance vaut le coup d’œil. Fuyez un lieu recommandé par le Routard, le Gazarte, librairie au rez-de-chaussée, salle de concert et bar à cocktails / resto sur le toit. Alors certes, la vue sur l’Acropole, au travers des bâtiments de l’usine flamboyant de jaune et de rouge, est fort jolie mais ce qu’il y a dans les verres est en qualité inversement proportionnel au montant de l’addition : deux doigts d’ouzo et un mojito où j’ai cherché le rhum, 17 euros… le prix et la crapulerie de Santorin, en fait.
Le lundi 21, le ciel a copieusement arrosé toute la Grèce, Crète comprise. Nous étions sur le ferry du retour, partis aux aurores de Koufonissia pour le Pirée. Le Blue Star Ferry égrène les petites Cyclades avant de rejoindre Naxos, puis Paros jusqu’au port d’arrivée. Á l’escale d’Iraklia, de bien vilains nuages sombres s’accrochaient aux collines de l’île, ne présageant rien de bon.
Calme plat jusqu’à Paros, mais ensuite… un orage aussi soudain que violent a chambardé le bateau tout entier. Le pont supérieur où nous nous trouvions était alternativement douché de côté par les trombes d’eau de pluie, les embruns des déferlantes et les fuites du toit de fortune du pont, juste pensé pour atténuer le soleil. Le mot « trempé » me semble bien léger pour décrire notre état, nous donnions l’impression de sortir d’une machine à laver qui aurait omis le programme essorage. Á notre condition de dégoulinants grelottants de froid, il faut ajouter le boucan des crises de panique des jeunes Anglaises, l’hystérie des Allemandes et les capacités vomitives sans limites des Asiatiques. Et les Grecs, comment ont-ils géré le déchaînement des cieux ? En bons fils de Poséidon, ils ont donné à tous les touristes une leçon d’indifférence totale au tumulte des flots. Une famille au sens large, montée à Naxos, de retour apparemment d’un mariage – les dragées passaient de main en main -, s’est très vite réfugiée près du bar, à l’abri des plus gros baquets d’eau. L’ouzo, le vin blanc, des vivres, ont surgi des paniers des mamans, toute la tablée a opposé au chaos sa bonne humeur, ses blagues… et la musique. Car dans ses bagages, la noce ramenait un joueur de bouzouki, qui sût apaiser la colère olympienne. Il faut dire que le Κανείς εδώ δεν τραγουδά* repris à plein poumon, avait de quoi calmer à la fois les cieux et les passagers paniqués. Une heure de concert improvisé, de belle énergie, de chaleur, d’enthousiasme communicatif nous remit d’aplomb et transforma une situation « inconfortable » en très beau souvenir.
Photo prise avant l’orage, of course !
* première piste de l’album Chansons Nomades – Angélique Ionatos