C’est bien joli de poser le pied sur une île, indemne de la déferlante touristique, passé le 20 septembre mais on se coltine alors des soucis de bateau insoupçonnés : soit, on rentre au Pirée après 10 heures et demie de traversée sur un placide bon gros ferry bien lent de chez Ventouris, soit on s’entasse dans un Seajet prétendument rapide, sauf qu’il accumule immanquablement des heures de retard. Nous fuyons habituellement cette compagnie, pour ses tarifs ruineux, ses mauvaises conditions de trajet en vase clos, la mauvaise humeur de l’équipage (même si je les plains volontiers de travailler dans ses conditions) et le stress des débarquements où l’on se fait houspiller sans ménagement. Hellenic Seaways n’assure la traversée qu’en juillet et août, on se retrouve donc devant une alternative binaire assez simple. Sauf que le Ventouris ne passe pas tous les jours et que le Seajet va se révéler plein comme un œuf quatre jours à l’avance. Hors saison, le plus simple est d’effectuer un vol A/R Paris-Santorin et de relier ensuite Folégandros par ferry, solution plus rapide, plus sure et moins onéreuse.
Á chaque arrivée de ferry, le bus attend les nouveaux venus et monte à Chora en dix minutes; pas cher et pratique. Deux possibilités ensuite pour se loger ; les beaux hôtels avec piscine et tarifs à l’avenant, où les chambres chez l’habitant, plus simples mais plus conviviales quand on aime échanger avec les locaux. Bonne pioche cette fois encore chez Spyridoula : 35 euros la nuit, au calme, à deux pas du centre animé de Chora, entièrement piéton. Si vous arrivez comme nous un peu tard, vous humerez les senteurs sucrées de son Cestrum nocturnum (j’en ignore le nom en grec), arbre à fleurs blanches au parfum de miel et de cannelle, qui embaume toute la petite rue dès la tombée de la nuit.
Côté fourchette, voilà un petit florilège des tables testées. Nous avons juste été déçus de ne pas pouvoir goûter la spécialité locale, la matsata (pâtes locales qui accompagnent la viande de lapin ou de coq en sauce), plat trop nourrissant le midi par des températures encore bien chaudes mais visiblement plus disponible le soir fin septembre… grgrgrgrrrrr !
– I Pounta (première place*), près de l’ancienne station des bus. Un lieu où l’on se pose à toutes heures du jour, très apprécié des habitants de Folégandros. Ne pas se fier aux trois, quatre tables qui donnent sur la place, mais passer dans le joli jardin, derrière, pour un copieux petit déj, un yaourt au miel de fin d’après-midi, un apéro, un café… Souvent de la musique classique, des chats qui folâtrent, d’excellents vins et une table reconnue pour le soir. A fréquenter sans modération.
– Nicolas Michailidis, (deuxième place) immanquable avec son fatras de livres, de cartes, sa chaise réservée et ses affiches où il annonce ses goûts pour les touristes blondes. J’avais lu sur l’endroit des critiques élogieuses et d’autres assassines. Nous nous rangerons à l’avis de ces derniers, exaspérés par son menu incompréhensible de plusieurs pages, son arrogance, son sans-gêne et son café pas terrible. Ici, le sourire est en option et la parole, rêche. Passez votre chemin.
– Á côté, son voisin, Araxe, rare taverne ouverte toute l’année, souvent choisie comme lieu de petit-déjeuner par les touristes, pour la bonne humeur de son serveur (à moins qu’il ne soit le patron ???). Bavard, affectueux, généreux (il a vite compris mon addiction au miel et m’en servait plus que de raison), on vient papoter avec lui tôt le matin à la fraîche et lui faire travailler son français. Pour les dîners, nous avons préféré tester les tavernes réputées pour certains plats.
– O Kritikos (3ème place), fameux pour la qualité de sa viande et ses grillades. J-P a confirmé l’excellence des padaïkia, tandis que je régalais d’un briam amélioré de citron et d’artichauts. Beaucoup de monde, service « tonique », haut niveau sonore, mais cuisine simple et goûteuse comme on l’aime.
– To Sik, toujours sur la 3ème place mais à l’opposée du précédent et aussi de sa cuisine très carnée. Si on trouve sur la carte quelques plats de viande, To Sik fait la part belle aux légumes, soupes, céréales, herbes, salades et fromage. Un paradis pour les végétariens. Rien de tristounet dans l’assiette, c’est coloré et plein de saveurs.
– Chrisospilia (tourner à droite après la quatrième place et tout droit). Taverne classique de poissons que l’on va choisir en cuisine. Patron enjoué et prix modérés.
– Zefiros Anemos (tourner à gauche après la quatrième place et tout droit, tout droit, encore tout droit). Lieu chaudement recommandé par notre logeuse, à juste titre, puisqu’il s’agit certainement de la meilleure table de Chora. On change de catégorie pour une cuisine plus élaborée, plus fine, de bons vins et de succulents poissons et fruits de mer, dégustés au calme dans un beau jardin. Service attentionné et courtois.
Et pour les becs sucrés, les amateurs de douceurs, les gourmands, excellente gelateria italienne en partant à droite d’Araxe – vous ne pouvez pas vous tromper, pas d’autres endroits où savourer une bonne glace et surtout, la boulangerie Αρτος και γευσεις, toujours en partant à droite d’Araxe ; on entre pour voir, pour humer et puis, on goûte et … on succombe. On revient avec un tas de petits gâteaux fondants, craquants, moelleux, savoureux. Succulents, je vous dit !
* On se repère à Chora en suivant la succession de places qui dessinent le village. Un peu déroutant au début mais on s’y fait vite.
Cestrum nocturnum = jasmin de nuit.
Oui merci mais c’est le nom grec que je cherche