L’île d’Ulysse se distingue de ses consœurs ioniennes par son dédain total des étendues de sable. La mer l’aborde sur de minces rivages de galets blancs polis (au mieux), voire de cailloux coupants au possible. Les plus belles criques sont bien souvent impossibles d’accès sans bateau. Cette inaptitude au farniente au long cours, aux jeux de plages turbulents, et au regroupement familial bruyant, préserve Ithaque de l’envahissement touristique.
En-dessous de Stavros, après quelques lacets, l’anse de Poli n’attend que vous, à côté d’un tout petit port où se dandinent des bateaux de pêche. Le lieu est connu pour abriter les ruines d’une ville engloutie après un violent séisme en 967 ainsi que la grotte de Loïzos, où fut trouvé le fragment de terre cuite portant l’inscription « Vœu à Ulysse ». S’il n’y a plus grand’ chose à voir de ce sanctuaire dédié au plus grand des marins grecs, à demi-immergé par le dernier tremblement de terre, en usage dès l’époque mycénienne et dont les découvertes archéologiques sont visibles au musée de Stavros, la petite anse à gauche du port vous offrira une eau transparente pour vous ragaillardir.
Poli cache aussi un autre lieu de culte, un peu moins archaïque mais plus touchant, tout de suite à droite : une petite chapelle de pierre, bien discrète, un peu écroulée, protégée par un vague toit de bois. La rencontre est inattendue : on reste stupéfait de découvrir, parmi les vestiges, que les ravages du temps ne découragent pas les visites des fidèles. Peut-être, est-elle devenue le lieu des offrandes à Ulysse pour les pêcheurs du port de Poli, qui restent ainsi sous sa protection depuis l’effondrement de la grotte primitive ?
De l’autre côté de Stavros, on atteint en peu de temps la baie d’Aphalès, toute au Nord, déserte en ce début juin. Nous n’y croiserons qu’un jeune couple de Finlandais, sacrifiant à Hélios dans le plus simple appareil. Sa côte découpée, qui plonge brutalement dans l’eau, aligne une suite de toutes petites criques, assez risquées pour de jeunes enfants. Même la mer, plus froide ici, oppose un méchant courant dont on se méfie très vite. L’ambiance est celle d’un chaos total de pierres, dégringolant jusque dans l’eau. C’est sauvage, brutal, primitif, un paysage indompté où les éléments se fracassent crûment.
Et puis, il y a « notre » plage, la plus belle, Aspro Gialos, proche du village de Lefki, en face de Céphalonie que l’on pourrait presque rejoindre à la nage – presque. On laisse sa voiture, on descend un chemin dans la végétation et on arrive sur une petite plage de galets tout ronds. L’eau est translucide, le silence, total, le calme, absolu. La mer est pour vous seul, en juin… nous avons aperçu des transats empilés (peu nombreux, les rivages étant très étroits à Ithaque) qui témoignent d’une certaine fréquentation en haute saison, loués 10 euros la journée !!!!
Si des impératifs vous obligent à venir en juillet ou en août, vous trouverez de la tranquillité en louant des petits bateaux à moteur (40 euros la journée), au port de Kioni. Nous avons testé, c’est très maniable et on s’amuse beaucoup lorsqu’il faut jouer de l’ancre et du bout’ en même temps pour amarrer le frêle esquif avant de plonger dans une eau émeraude.