Musique de Claude Terrasse, livret de Franc-Nohain
Théâtre de l’Athénée, jusqu’au 08 janvier 2012
Que ceux qui connaissent Claude Terrasse lèvent la main … immanquablement, on frôle le fiasco prévisible. Non, je vois quelques Satrapes, Régents et Provéditeurs se manifester gaillardement, entonner « la chanson du décervelage » et rappeler que le « hault » compositeur a été canonisé par le Collège de Pataphysique et inscrit pour « l’éthernité » à son calendrier perpétuel.
Digne successeur d’Offenbach, passé maître en bouffonnerie pétulante durant la Belle Époque, Claude Terrasse forme avec Alfred Jarry et le peintre Pierre Bonnard le trio qui compte pour des spectacles un peu givrés. C’est l’époque du Chat noir, de Montmartre, des groupes d’artistes extravagants qui allument le bourgeois.
Après avoir composé la musique d’Ubu roi, lancé le « Théâtre des Pantins », un théâtre de marionnettes où se retrouve tout le gratin de l’avant-garde (des Nabis, aux membres de la Revue Blanche), Claude Terrasse devient le compositeur reconnu d’opérettes, ou opéras-bouffes, parodiques et très décalés. Il s’entoure de Courteline, Tristan Bernard et Franc-Nohain pour dynamiter les vieux mythes, l’histoire, la bienséance et l’hypocrisie de ses contemporains. La musique est joyeuse, inspirée, enthousiaste. Rien de barbant, de pesant, d’assommant. Terrasse manie la légèreté, le leste, le satirique, les anachronismes, les blagues de potaches et les jeux de mots capilotractés.
La sinistrose ambiante, qui est devenu notre climat quotidien, a rappelé ces spectacles loufoques dont on ressort les zygomatiques dénoués, la tête aérée et la rate dilatée. Á ma connaissance, seuls Les Travaux d’Hercule ont été enregistrés en CD. Le Sire de Vergy , Au temps des Croisades ont été donnés récemment à Paris. Á compter de demain, « La botte secrète » est jouée au théâtre de l’Athénée, par la troupe détonante des Brigands, créée il y a dix ans et issue du Chœur des Musiciens du Louvre. Cette joyeuse bande s’est donnée comme quête de dénicher de vieux trésors tombés dans l’oubli, d’en garder le souffle caustique et moqueur, d’en rajouter comme il se doit, avec moult bouillonnement et une énergie contagieuse. Voilà un spectacle de fin d’année à ne pas manquer si vous êtes dans les parages.
Pour en savoir plus :
– Claude Terrasse, biographie de Philippe Cathé, Èditions L’Hexaèdre, 2004, 224 pages
– Le Magazine littéraire N°388, « La Pataphysique », juin 2000, article de Jean-Paul Morel, page 35.