La Didone, 1641
Francesco Cavalli
Représentation du 18 avril 2012, Théâtre des Champs-Élysées
Il y a des soirs comme cela, où la météo irascible finit par déteindre sur vous : le vent courroucé, la pluie acérée et le ciel plombé de nuages maussades ne vous prédisposent pas à l’indulgence ou à la mansuétude. On espère du bruit et de la fureur, de l’exaltation et de la rage… et on finit par s’enfuir à l’entracte, mortifiée par l’ampleur du désastre.
Le nombre de sièges vides dès le second balcon, ce qui est plutôt rare lorsque l’ami Christie convoque ses Arts Florissants pour du baroque rarement monté, n’augurait pas d’une soirée d’anthologie et d’un enthousiasme débridé des spectateurs non accrédités (ne lisez pas les analyses parisiennes viciées, la plupart des journaleux sont des ânes sourds sans esprit critique, incapable d’une once de sincérité ou du moindre commentaire personnel).
Que retenir de cette première partie endurée les mâchoires serrées, quand tout prend l’eau ? Francesco Cavalli n’a rien du perdreau de l’année ; élève de Monteverdi, maître de Chapelle à Venise, compositeur d’une bonne quarantaine d’opéras, associé à Francesco Busenello (librettiste un an plus tard du Couronnement de Poppée) pour adapter le chant IV de l’Ènéide de Virgile, Cavalli signe pourtant une œuvre léthargique. On se demande même s’il est judicieux de monter La Didone en version scénique et s’il n’eut pas mieux valu se contenter d’une version concert. Le continuo est effet extrêmement ténu, voire même un peu osseux (clavecin, théorbe, violoncelle et luth… et puis c’est tout) et se déroule durant tout l’acte I avec des allures de madrigal trop famélique et uniforme. On en vient à espérer « plus de notes », plus d’énergie et d’inventions.
Alors quand les voix du prologue et de l’acte I ne sont pas exceptionnelles pour contraster avec l’inertie de la fosse, on s’embête ferme. L’absence totale de mise en scène ne facilite pas le travail des chanteurs, qui errent d’un bout à l’autre de la scène, sans repères, sans dramaturgie, dans toutes ces épreuves et calamités qui émaillent la chute de Troie avant le départ d’Ènée vers Carthage. Le vide est sidéral, la direction d’acteurs inexistante, le décor démesuré et ridicule. On doit ce naufrage à un certain Clément Hervieu-Léger (pensionnaire au Français) et surtout ancien collaborateur de Chéreau (ce qui explique le cirage de pompes ridicule des critiques officielles). Faire de la pâte dramatique de Didon et Ènée un tel désert de création, sans idée, sans pensée, sans intelligence devrait le proscrire pour un long moment de toutes les scènes de France et de Navarre.