Troisième exposition proposée à L’Atelier des Lumières, après Klimt et Van Gogh, et malheureusement la moins réussie des trois. Ou du moins la moins adaptée au concept même d’immersion au cœur des œuvres. Contrairement aux deux premiers rendez-vous, cette exposition 2020 est construite autour d’un thème et non d’un artiste. « Voyages en Méditerranée » se veut une balade dans les toiles de douze peintres, – un grand écart de Renoir à Chagall -, pour appréhender plusieurs approches de la lumière et de la couleur, au bord de la grande bleue.
Le résultat n’est pas convaincant car il manque cruellement de cohérence et d’harmonie. Le spectacle s’ouvre sur un prologue dédié à Claude Joseph Vernet, peintre de marines, à l’époque de Louis XV. Bon, pourquoi pas. Mais les impressionnistes déboulent ensuite sans aucune transition. Or, dans l’imaginaire collectif, Renoir et Monet ne sont pas associés à la Méditerranée, comme peut l’être un Cézanne avec la Provence. Pourquoi présenter alors Les Nymphéas et le Moulin de la Galette dans une exposition sur la Méditerranée ? Certes, ces toiles connues de tous font sensation sur les murs de la fonderie. Cependant, les œuvres maitresses de deux peintres plus familiers des bords de Seine que de la Côte d’Azur arrivent comme deux cheveux sur la soupe : hors sujet.
On enchaîne ensuite avec les pointillistes Henri-Edmond Cross et Paul Signac, et leurs petites touches de couleur qui perdent malheureusement de leur magie en étant surdimensionnées. Autant les larges aplats jaunes et bleus de Van Gogh allumaient l’espace, les effets de matière, les traces des pinceaux, l’épaisseur des couches de pigments, étaient parfaitement nets et mis en valeur sur des images de 10 mètres de hauteur, autant les toiles pointillistes s’affadissent et s’aplatissent dans des formats gigantesques.
Les choses s’arrangent avec les Fauves dont les couleurs vives et pures embrasent les murs : du rouge, du jaune, du bleu… le spectateur s’en prend enfin plein les yeux ! La section consacrée au sage nabi Bonnard fait redescendre l’incendie sans toutefois l’éteindre grâce à ces Femmes au jardin, superbe paravent constitué de quatre panneaux, inspirés de l’art japonais.
Raoul Dufy lui emboite le pas, peintre de l’allégresse, reconnaissable à ses teintes vives, claquantes, à ce bleu saturé qui s’exprime pleinement dans le vaste lieu.
On termine avec Chagall, certainement la plus belle partie de l’exposition, mais sans lien (encore une fois) avec la thématique annoncée : si le peintre s’installe à Saint-Paul de Vence, il est surtout connu et reconnu pour son imaginaire onirique, sa Russie rurale, ses violonistes perchés, ses couleurs décalées, ses images sacrées. Plonger au cœur des toiles de Chagall est un régal mais que font là ses danseuses, ses jongleurs, sa chèvre rouge, ses vitraux pour une synagogue de Jérusalem ?
Bref, à vouloir ratisser large, l’exposition part dans tous les sens et l’émotion joue les montagnes russes. Cette thématique bateau où l’on peut inclure à peu près tout le monde manque d’unité, de logique, à l’image de la bande-son faiblarde. Vouloir porter l’art à la connaissance de tous les publics est une démarche louable. Encore faut-elle qu’elle soit proposée avec un projet précis, bordé et rigoureux.