Je peste souvent en sortant des « grandes » expositions de peinture parisiennes ; trop de monde, trop de bruit, trop de toiles… j’en sors migraineuse, avec une impression de gâchis. J’ai peu de plaisir en effet à arpenter en troupeau des salles où s’amoncellent des peintures au kilo, que je suis incapable « de consommer ». Dans un monde merveilleux, une expo devrait pour moi se limiter à une dizaine de toiles, que l’on pourrait venir admirer, décortiquer, comprendre et apprécier dans le calme et la solitude, à chaque fois que l’envie nous en prend. J’ai souvenir d’un été passé à Budapest dans les années 90′, où j’allais presque un jour sur deux saluer un tableau d’un petit maître espagnol (à l’époque, la monnaie hongroise ne valait rien), juste pour le plaisir. Je passais une quinzaine de minutes avec lui et cela suffisait à me mettre en joie – même si le cerbère qui gardait la salle trouvait mes allées et venues dans le musée un peu suspectes.
Le format conventionnel d’une exposition m’apporte donc peu d’émotions. Alors, lorsque j’ai entendu parler d’une salle qui proposait une immersion au cœur des œuvres de Klimt (mais aussi de Schiele), j’ai sauté de joie ! Enfin un peu d’audace, de dépoussiérage, de nouveauté.
Une ancienne fonderie du XIème arrondissement sert de support à cette expérience, où l’animation numérique est reine. L’espace gigantesque de 3300 m2 – sol et murs – garde les souvenirs de l’activité industrielle et de ses matériaux ; béton, pierre et métal. Sur cette armature brute de fonderie (désolée !), 140 projecteurs font le show dans un son et lumière renversant. Les toiles habillent l’espace sur 360° ; elles glissent, bougent, se complètent ou s’opposent, se dilatent, racontent l’univers et les obsessions des peintres, au son de Wagner, Beethoven, Strauss, Mahler et Philippe Glass. Le spectateur est invité à ne pas rester statique, car chaque mur reçoit des images différentes.
On se balade dans le monde de Klimt (le Cycle d’or, les portraits et les paysages), puis dans celui de Schiele, cerné d’images monumentales. L’expérience virtuelle est ouverte à tous, des spécialistes aux enfants de huit ans (il faut voir les bambins se trémousser sur Tannhäuser et exprimer leur enthousiasme lorsque les champs de fleurs de Klimt submergent le public du sol au plafond). Alors certes, les ados ne comprendront pas grand’ chose aux premières images qui vous plongent dans Vienne et son Kunsthistorisches Museum, dont Klimt décora de pendentifs tarabiscotés le grand escalier. Qu’importe, chacun ressent, apprécie, baigne dans l’œuvre qui vibre mille fois plus puisqu’elle nous dépasse, physiquement. De nombreux spectateurs éprouvent le besoin de s’asseoir ou de s’allonger carrément, pour s’immerger dans une profonde contemplation de la beauté.
Les couleurs éclatent, les dorés s’illuminent, les fleurs tournoient, les corps torturés de Schiele nous secouent bref, les peintures prennent vie dans une scénographie résolument moderne qui ravit les spectateurs.
L’Ateliers des Lumières (pensez à réserver votre place AVANT de venir, le nombre de visiteurs étant limité à chaque séance)
38 rue Saint Maur – 75011 PARIS
Métro : Voltaire ou Saint Maur
Jusqu’au 6 janvier 2019