Lorsque l’on arrive de Mytilène ville, la route intérieure rejoint la côte Nord au niveau de Pétra. Ce tout petit village couché autour d’une baie est un avant-goût de Molyvos, une mise en bouche, un amuse-gueule. Nulle forteresse byzantine sur les hauteurs mais une chapelle perchée sur un rocher, la glycine recouvre également les coquettes rues piétonnes, même plaisir de l’oisiveté et de l’indolence sur la placette où il fait bon vivre, le tout dans un mouchoir de poche. Une plage aussi, tarte, de sable grisâtre grossier, où l’on n’a aucune envie de mettre les pieds.
Pétra tire donc son patronyme de ce rocher imposant (40 mètres) au sommet duquel est posé la Glykofiloussa Panagia (la Vierge-aux-doux-baisers), construite en 1747, sur les ruines d’une chapelle de 1609. Les 114 marches taillées dans le rocher se montent facilement et la vue dominante sur la baie est bien évidemment magnifique. L’intérieur de l’église à trois nefs n’est pas très intéressant, mais les locaux semblent rendre un véritable culte à l’icône de la Vierge, chargée d’ex-voto : selon la légende, une tempête amena dans la baie de Petra un navire ; son capitaine, qui ne se départait jamais de son icône de la Vierge, fut incapable de remettre la main sur elle. L’icône avait trouvé place en haut du rocher, où elle souhaitait demeurer. Il la ramena dans son bateau, elle disparut de nouveau. La capitaine se plia aux exigences de la Sainte et lui construisit alors une chapelle pour respecter ses vœux.
Sur le chemin qui mène de la mignonette place centrale de Pétra à la Glykofiloussa, on passe presque sans la voir devant l’église d’Agios Nikolaos, aussi discrète que la Panagia en impose, de toute sa hauteur. Le bâtiment bas à nef unique, restauré en 2011, possède de très belles fresques, de deux époques différentes : la couche picturale antérieure daterait du XVIe siècle, la seconde couche de 1721 selon une inscription. La modestie des lieux, sa petitesse, sa pénombre perpétuelle, la rendent beaucoup attachante et plus appropriée au recueillement que sa proéminente rivale.
Toujours en bas dans le village, sur la droite, on peut visiter la Maison Vareltzidéna, une demeure de maître (archontiko) du XVIIIe siècle, témoin de la richesse des propriétaires terriens. Le rez-de-chaussée, carrossé de pierres bien lourdes, servait à stocker vins et huiles, tandis que l’étage, léger, en encorbellement, fait de plâtre et de bois, accueillait la famille. L’influence ottomane est visible dans l’agencement des pièces autour d’une grande salle de réception, les peintures murales, les plafonds, le peu de mobilier. La maison est élégante, délicate et raffinée. Restaurée en 2000, elle est un très beau témoignage d’une architecture que l’on retrouve dans les Balkans et en Asie Mineure.
Á l’opposée de Pétra, à droite de Molyvos, que l’on suive les sept kilomètres de piste le long de la mer ou la route intérieure, on arrive à Skala Sykaminias, après avoir dépassé la plage d’Eftalou, elle aussi, peu engageante. Skala Sykaminias est un port de pêche en miniature, flanqué d’une gracieuse chapelle juchée sur un écueil sorti des flots. Pas d’ostentation, de m’as-tu-vu dans ce lieu, c’est coquet, joliet, presque trop, avec cette barque peinturlurée de bleu azur. Je reste un peu hermétique à ce port de poupée, car il manque de vie et de justesse ; autant le port de Molyvos (oui, encore, je sais…) sent le sel, le poisson, le verbe haut, quelque chose de vrai et de spontané, autant Skala Sykaminias est lisse, vernis, trop bien proportionné. Pour faire simple, c’est sage, mignon et touristique en diable.