Á brûle-pourpoint, ma sainte trinité insulaire grecque ressemblerait à cela : Amorgos, Ithaque et Chios. La Crète allait-elle sur-le-champ se hisser à ces hauteurs stratosphériques pour déloger l’une de ces îles, solidement fichées dans mon Panthéon perso? Contrairement à bien des internautes qui enchaînent les orgasmes en retraçant leur périple crétois, je serai nettement plus mesurée, voire même précautionneuse. J’entends d’ici les hurlements des groupies transies, qui resteront esbaubies devant mes réserves. Désolée, mais non, le virus crétois n’a pas su percer nos défenses et nous secouer l’émotionnel, à l’exception d’un autre « finis-terrae », tout au bout du monde, là, vers l’Est, extrêmité vierge, indomptée, silencieuse et déserte, indifférente à l’anéantissement programmé d’une bonne partie de l’île.
Ne disposant que de 17 jours, nous avons choisi de privilégier la partie orientale de la Crète, en partant d’Héraklion, vers la Messara, puis de longer la côté jusqu’à Kato Zakros, avant de remonter par le plateau de Katharo à notre point de départ.
Aller à la rencontre de la Crète revient à danser un tango permanent, deux pas en avant, un pas en arrière, à alterner moments forts et vertigineuses déceptions, découvertes somptueuses et visions d’apocalypse ; la liste volontairement caricaturale des étapes de notre périple crétois ressemblerait à cela :
Passez outre, même au mois de juin
– Cnossos (reconstruit, bétonné, défiguré)
– Agios Nikolaos (la côte d’Azur au mois d’août, sans aucune âme)
– Vaï (plage surpeuplée, envahie de touristes déversés par cars entiers)
– La côte de Myrtos à Goudouras, via Ierapetra (une succession de serres dans une odeur fétide d’engrais)
– Le plateau du Lassithi (cuvette tristoune fameuse pour ses éoliennes, dont il ne reste plus grand’ chose, terre de prédilection des touristes russes : surcotée).
– Sitia (je cherche encore ce que l’on peut y faire…)
– Le monastère de Vrondissi, dont le seul intérêt réside dans une fontaine, tronquée par les Turcs.
Á la rigueur
– Matala (à condition d’avoir gardé une bonne dose de second degré et une âme de hippy)
– Mochlos (on en fait vite le tour, mais située entre les détestables Agios Nikolaos et Sitia, donc, par comparaison…)
– Le site de Gournia, sans beaucoup de charme mais le plan des rues pavées est toujours lisible.
Nécessaires
– Le site d’Agia Triada
Inoubliables
– Le site de Phaistos
– Le site de Lato (merci à J. Lacarrière !)
– Kato Zakros et son palais minoen
– La route de montagne entre Karidi et Zakros
– La route de montagne du Psiloritis, entre Anogia et le plateau de Nida
Pour nous qui sommes coutumiers des îles hors saison, nous n’étions sans doute pas préparés à une telle fréquentation débridée, début juin (la Crète absorbe à elle seule 40% du tourisme vers la Grèce) : je ressens toujours comme une épine dans ma sandale lorsque je vois écrit, devant les tavernes, un « Willkommen », avec le prix du demi de bière, des menus proposés de prime abord en allemand ou en russe, une serveuse m’accueillir avec un « Guten Tag ». J’ai ressenti en Crète, à l’exception de l’extrémité Est et des villages de montagne, un manque de la Grèce, de tout ce qui fait que j’aime tant ce pays. Nous n’avons pas compris cette course au bétonnage, ces villages de vacances bas de gamme sortis de terre pour entasser les hordes de touristes qui carbonisent toute la journée sur les plages, ces kilomètres de côtes détruites pour un retour sur investissement à court terme, ces décharges en plein air qui ne choquent personne (déjà vu en Sardaigne), cette inaptitude à gérer un environnement de toute beauté, dans des proportions qui me sidèrent. Certes, un certain nombre d’enclaves encore préservées viennent d’être classées Natura 2000, en raison de la fragilité des écosystèmes. C’est heureux mais c’est bien tard.
Conseils de l’Automedon :
Vous allez nécessairement louer une voiture, alors…
1. Pour quelques euros de plus, prenez l’assurance tous risques, parce qu’un simple rétroviseur, déjà, est manifestement vite anéanti, lequel vous coûtera, par défaut, … au gré du loueur… et même davantage !
2. Vérifiez au départ le niveau d’essence (plus de petites économies en Grèce)…et / mais surtout, le gonflage des pneus :1 bar de pression, comme nous avons pu le constater, rend la conduite et le freinage plutôt incertains…
3. On vous propose de vagues cartes au 1/150 000, voire au 1/200 000ème !, et sans boussole…Précipitez-vous donc à la première bibliothikè pour vous munir d’un précieux guide, Atlas Kritis, au 1/50 000ème(carte découpée en 115 numéros) – Anavasi Digital éditeur – qui vous coûtera certes 23 Euros, mais vous évitera de vous égarer ou de tourner en rond – les panneaux indicateurs, quand ils existent, n’étant pas toujours dans le sens de votre marche… si vous vous aventurez hors des sentiers touristiques, of course.
D’où l’utilité aussi du rétro-viseur, ou d’une assistante attentive…
Ασφαλες ταξιδι !