Si vos pas vous mènent dans le Piémont, dans la région des lacs, approchez-vous du petit frère du lac Majeur, il lago d’Orta. Je le fréquente depuis quinze ans, à toutes les saisons, de préférence en hiver ou au printemps, quand les hordes des cars de touristes ne sont pas encore de sortie (un immense parking a vu le jour il y a 8 ans, les tours opérateurs comprenant soudain tout l’intérêt de l’ajouter à leurs circuits). Hors saison, il dispense une atmosphère rare. Sur les rives de ce petit lac, étiré au bord de l’eau, s’étend Orta San Giulio, minuscule village médiéval que l’on parcourt à pied, les semelles claquantes sur les pavés mal taillés : ruelles étroites et sombres, arcades, loggias, portails de fer, vieux palazzi décrépis, toits de pierre, senteur de bois humides et de feux de cheminée en décembre, parfums entêtants de glycine en avril : en son centre, la piazza où la vie sociale des habitants s’organisait (le vieux tribunal du XVIème est toujours bien assis sur ses colonnes et orné de fresques). Une halte est alors indispensable sur cette place inondée de soleil, le temps d’un Campari soda. La vue en impose, en droite ligne sur l’isola di San Giulio, ou domine la basilique du XIIème. Selon la légende, au IVème siècle, Saint Jules débarrassa l’île de ses serpents et autres bêtes peu cordiales après avoir traversé le lac sans se mouiller et y fonda une première église.
Si l’on marche un peu vers le sud, en quittant la place, on suit la rive du lac où s’alignent de très belles villas et leurs jardins en étages, croulant sous la végétation. Cette partie du village témoigne de la bonne santé financière de ses occupants, qui retapent, restaurent, embellissent et prennent soin d’un patrimoine qui mérite d’être sauvegardé.