Lorsque j’ai annoncé à Poulaki mou que nous partions une pleine semaine à Koufonissia, elle a manqué s’étrangler : « mais vous allez y faire quoi ? ». Alors, il est vrai que le minuscule caillou tout rond peut sembler insignifiant au premier coup d’œil : pas de kastro, de chapelle byzantine, de site archéologique, de beaux villages intérieurs. Pano Koufonissi est une pierre plate, discrète, aux côtes crénelées, élimée par le vent, dotée d’un Chora, de deux petits ports, d’un débarcadère de poche, de criques, de quelques plages et … de rien d’autre en fait. Paisible, calme, tranquille, oui, mais pour autant pas endormie. Les habitants vivent de la pêche et d’un tourisme de bon aloi, sobre, discret, respectueux de l’environnement ; pas de fêtards, de braillards, de malotrus ou de râleurs compulsifs. Si les visiteurs de septembre ont quelques décennies au compteur, rien à voir avec les plantureux groupes de retraités mufles et butors, que nous avons croisés à Naxos. On va à Koufonissi pour marcher, se ressourcer, bronzer sans marque de maillot, dans un certain « savoir-vivre ». Cette quiétude de fin de saison ne serait pas tout à fait de mise en juillet et août, quand des bateaux venus de Paros, de Naxos et d’Amorgos déversent sur les plages leur flot de touristes. Mais passé le 15 septembre, l’île est rendue à la sérénité.

Dans le Chora de poche, une seule ruelle « commerçante » bruisse vers 19h, quand s’ouvrent les trois ou quatre bars où se retrouvent les locaux. On trouve aussi une sorte d’écomusée minuscule, creusé dans le sol, où le village a déposé des objets du quotidien, des outils, des instruments de marine, d’un autre temps. C’est inattendu, touchant, mais révélateur de l’état d’esprit des îliens qui aiment échanger avec leurs hôtes.

L’unique magasin de cartes postales et de babioles fait aussi office de Poste et abrite le seul distributeur de billets de l’île, dans la ruelle d’en-dessous. Les habitants fignolent leurs enseignes, la déco et soignent leur charmant village fleuri qui monte tout en douceur derrière la plage.

   

Les deux coquettes baies, à gauche du débarcadère (Loutro et Parianos), abritent deux petits ports de pêche et un chantier naval en modèle réduit, qui entretient les caïques de retour vers 10h.

   

On y vient chaque matin, d’abord un peu de côté, puis plus près et on finit par engager la conversation avec la femme du marin qui cogne ses poulpes sur les rochers. Nulle rebuffade, les pêcheurs sont fiers de nous montrer leurs prises et de nous faire réviser les noms de poissons en grec (y’a du boulot…).

De la baie de Parianos, vous pouvez partir à l’assaut du point culminant de l’île, 113 mètres, – ça reste très raisonnable-, en montant au Prophète Ilias, sobre sanctuaire qui tache de bleu le vert des buissons de la colline. On pousse ensuite jusqu’à l’ancienne bergerie qui offre un beau point de vue sur le rivage de l’île, rudoyé par la mer.

Si l’on part à droite du Chora, on peut utiliser le vélo jusqu’à la plage de Fanos. Ensuite, il faut continuer à pied le chemin qui longe la côte, creusée d’anses tapissées de sable. Pas d’ombre par contre, puisque les arbres sont aux abonnés absents. Les eaux sont vraiment magnifiques, surtout lorsque l’on remonte vers les « piscines », ces grottes sous-marines qui colorent la mer de nuances émeraudes. Plus loin, toujours plus loin, on arrive à la grande vraie plage de sable blond de l’île dans la baie de Pori. Ici, un peu plus de monde, des familles grecques sur les premiers mètres, les naturistes ensuite. La mer n’est pas toujours calme sur cette côte Nord Est et les courants sont traîtres – la toute petite plage du Chora me semble bien préférable si vous venez avec de jeunes enfants. Au bout de la baie de Pori, les flots ont fini par sculpter la falaise, la rabotant, l’excavant, jusqu’à former une « mer intérieure » qui se vide et se remplit selon la forces des vagues.
Avec ces presque riens, on passe de jolies journées qui s’écoulent lentement, on se crée des habitudes, et comme îliens et touristes fréquentent les même lieux de vie, ensemble, on se sent partie prenante de la vie de Pano Koufonissi, intégré, accepté et pas uniquement pour que les tiroirs caisse se remplissent.