Les îles Saroniques ne sont pas forcément des lieux de villégiature auxquels on pense spontanément lorsqu’on envisage un séjour grec : on y passe une journée ou deux pour oublier une Athènes trépidante, on visite au pas de course Égine et Hydra avant de partir pour les Cyclades et… c’est bien dommage. Elles méritent mieux que ces marathons organisés où l’on n’a guère le temps de goûter la spécificité de chacune.
Alors que nous passons régulièrement à Égine, nous n’avions jamais eu la curiosité de nous aventurer sur les trois autres. J’ai réparé cette erreur sous un beau soleil d’octobre, stupéfaite de découvrir des lieux bien distincts, avec des identités très marquées, des atmosphères spécifiques. Poros, Hydra et Spetses ne se ressemblent en rien. Selon votre sensibilité, ce que vous y cherchez et surtout ce que vous y apportez, vos impressions, votre ressenti, votre enthousiasme ou votre désenchantement seront tout personnels : en ce qui me concerne, j’ai été très sensible au charme gracieux qui se dégage de Poros, Hydra m’a enthousiasmée avec fougue, quand Spetses, en revanche, est restée sourde et raide devant mes tentatives d’approche.
Si, partir à la rencontre des Saroniques passé le 15 octobre vous assure une tranquillité absolue, il faut tenir compte des rotations journalières réduites du seul ferry qui assure la liaison entre le Pirée, Poros, Hydra et Spetses (deux par jour en semaines, trois le week-end). De même quant au logement, de nombreux hôtels et chambres chez l’habitant ont déjà pris leur quartier d’hiver…
Première étape donc, Poros, à moins d’une heure de ferry du Pirée avec Hellenic Seaways : coup de cœur immédiat dès le premier pas sur le quai ! Son nom en grec (ο Πὀρος) signifie le détroit, le passage, compte tenu du chenal très étroit qui la sépare du Péloponnèse, à moins de 300 mètres. Le port de Poros et la petite ville côtière de Galatas se font face, de part et d’autre d’une mer étonnamment calme, tranquille, avec en arrière-plan des contreforts montagneux qui donnent à l’ensemble un petit air de lac italien ou suisse. La saison touristique refermée, le port respire paisiblement, au rythme des allées et venues des bateaux de pêche, des sorties d’école, des emplettes des mamans au marché, des papotages des capitaines de bateaux-taxis qui attendent les clients pour la traversée vers Galatas. Je me suis posée là pour un premier petit-déjeuner roboratif en arrivant à 09h30 ; le service un peu engourdi du café, l’atmosphère nonchalante, la beauté du site, les petits riens qui font toute la douceur d’une vie locale sereine m’y ont retenue jusqu’à 11h passées…
D’un côté, le port de Poros
Et en face, Galatas
Poros est en fait la réunion de deux îlots reliés par un petit pont, Sféria, où se concentrent les habitations, le port, les activités et, derrière lui, Kalavria, immense pinède vallonnée, ourlée de plages. Sféria est resté dans son jus sur sa petite colline rocheuse piquée de toits de tuiles, dévalant jusqu’au quai bordé de jolies placettes et de maisons néoclassiques. Deux trois petites rues sont un peu plus touristiques, mais d’une manière discrète, jolie, coquette et de bon goût. Habitée depuis l’Âge de bronze, Poros s’était peu à peu vidée de ses habitants qui fuyaient les raids meurtriers des pirates. Au XVe, l’île accueille une nouvelle population d’Arvanites, orthodoxes d’origine albanaise, chassés d’Argolide par les Turcs, qui développent ici le commerce et les échanges maritimes. Forte de cette tradition navale, Poros jouera un rôle de premier plan dans la guerre d’Indépendance (Hydra fournira les navires, Poros les équipages) et deviendra même l’arsenal du tout jeune État grec.
Aujourd’hui Sféria abrite un port adorable et harmonieux, qui s’étire sur un bon kilomètre jusqu’au phare et sa chapelle, marquant l’entrée de la passe avec le Péloponnèse, protégée par une fortification militaire, – l’îlot stratégique de Bourtzi. La ville haute se visite à pied, méandre de petites venelles, d’escaliers, de maisons blanchies à la chaux et de jardins très fleuris. Il a fallu que je vienne en octobre pour sentir sur les Saroniques et même sur Athènes, un doux parfum de jasmin flotter. Le point culminant de la ville est une tour-horloge blanche construite en 1927, pas très réussie je trouve, mais qui offre un point de vue superbe sur le port et le rivage du Péloponnèse. Même les habitants montent parfois le week-end pour admirer le coucher du soleil (en fait, surtout, pour conter fleurette) et voir se dessiner « la belle de Poros », relief montagneux épousant les courbes d’une femme allongée.
La tête de la « Belle » est à droite, les genoux pliés à gauche
Sféria pratique :
Logement : je valide le bon point du Routard pour l’hôtel Seven Brothers, à deux pas de l’arrivée du ferry, tenu par un jeune couple très sympathique. Hôtel cosy refait à neuf, chambres un peu petites mais chaleureuses et bien équipées, certaines avec balcon sur le port (40€ pour celles donnant sur la mer).
Repas :
La taverne Apagio, un peu en décalée sur la droite (après le coin des pêcheurs, au niveau des voiliers), est effectivement la meilleur de Sféria. Très bon poisson, accueil chaleureux et souplesse sur les accompagnements.
Sur le port, Taverna Rota, tout à côté de l’hôtel, une valeur sûre pour le poisson accompagné de légumes grillés, qui ne faillit pas à sa réputation. Très bonnes salades et mezzés copieux. Garçons adorables et souriants.
Moins convaincue par la Gia mas Taverna, resto de poissons sur le port comme le précédent, mais qui tire les prix vers le haut. Patron moins charmant, en plus. Sent un peu le piège à touristes.
Dans la ville haute, Ο Κιπος, taverne à l’écart du brouhaha du port. Je n’y ai goûté que les plats végétariens, mais sans un bémol. Personnel gentil qui aime échanger avec les clients. Présence de nombreux locaux qui dînent au calme.
Bonnes glaces chez Pagoto Mania, le long du quai à l’opposé du port de pêche, en allant plutôt vers la base nautique.
Pour les amateurs de pâtisseries grecques, Glykisma, dans la petite rue commerçante de l’Hôtel, baklavas au top !