Concert Alkinoos Ioannidis à l’Unesco – 7 mai
On ne pouvait rêver mieux avant de sauter dans l’avion pour Athènes dimanche prochain ; deux heures de musique acoustique qui semblent tomber des cieux, dans un lieu improbable, annoncées sans tambour si trompette. Si je ne m’étais pas baladée sur le site info-grèce, je serais totalement passée à côté de ce concert et cela aurait été bien regrettable. Parce qu’Alkinoos Ioannidis, c’est un peu mon chouchou, l’artiste grec (certes, un peu Chypriote d’abord) que j’écoute le plus ; je dis artiste et non chanteur, car le garçon, né en 1969, est auteur – compositeur – interprète mais aussi acteur, professeur, flûtiste, percussionniste, guitariste, joueur de luth… En 2005, il va même prendre l’air en Russie pour étudier la composition avec un ancien élève de Chostakovitch, où il élabore des pièces pour orchestre et de la musique de chambre atonale.
Sa musique mélange des influences byzantines et orientales avec le folk, le rock et le classique. On peut glisser dans un même album de balades sombres aux arrangements minimalistes, aux pièces pour ensembles classiques et chœurs, puis à des batteries sauvages qui rythment des guitares électriques déchaînées, pour en revenir au final à une mélodie aux sonorités plus grecques. Il est une sorte d’électron très libre qui cisèle de plus ses textes comme un orfèvre : le premier titre de son premier album rendait d’ailleurs hommage à Edgar Poe… C’est souvent tourmenté, parfois lugubre et soudain lumineux et limpide, mais toujours très composé, articulé, construit ; ça tient debout tout seul, comme de la poésie, très très loin de la chansonnette folklorique pour bouzouki, sucrée comme un loukoum.
Hier soir donc, l’auditorium de l’Unesco accueillait Alkinoos Ioannidis et le violoncelliste et joueur de lyre crétoise, Yiorgos Kaloudis. Si vous avez assisté au concert du Lycabette de septembre 2006 (ou si le DVD fait partie de votre vidéothèque), vous aviez sans doute déjà repéré Kaloudis, qui accompagnait pour ce concert d’anthologie Alexiou, Malamas et Ioannidis. Ce musicien est un virtuose qui concentre sur ses mains tous les regards. Il obtient de sa lyre et de son violoncelle des sons prodigieux, car il semble pousser ces instruments aux limites de leurs possibilités. Il compose aussi ses propres morceaux (Ioannidis le laissera jouer un moment en solo) – pas toujours faciles d’accès, mais d’une impressionnante technicité et habileté.
Durant deux heures, les deux complices ont proposé une exécution intimiste, épurée, des grands succès (Apogevma sto dentro, Paraklisi, Oneiro Itane, Tha’ mai Konta sou, Patrida, O Proskynitis – avec une chorale d’enfants qui se débrouillait plutôt bien en grec…), avant d’enchaîner avec des chansons traditionnelles chypriotes et quelques titres de son nouvel album. L’actualité n’est pas restée à la porte du concert, lorsqu’Alkinoos a rappelé que la chanson Panta tha ximeronei avait été écrite en hommage au rappeur grec Pavlos Fyssas, assassiné par un membre d’Aube Dorée, ou lorsqu’il dédie son dernier titre Mikri Valitsa aux Grecs contraints de quitter leur pays suite à la crise économique.
Nous étions au balcon (loin des premiers rangs du parterre réservé aux huiles et invités en costume), la meilleure place du point de vue de l’ambiance… car l’auditorium de l’UNESCO n’est pas taillé pour un concert grec où l’atmosphère est d’habitude survoltée. C’est un grand et haut bâtiment froid, bâti pour abriter des conférences. Heureusement, ça chantait autour de nous, surtout dans le coin du fan club (un groupe de filles chypriotes très en forme et en voix, qui ont carrément hurlé du balcon le titre de la chanson du rappel qu’elles voulaient entendre – Ioannidis s’est exécuté le sourire aux lèvres, ravi de chanter pour et avec elles). On aurait en fait souhaité le même concert mais dans une petite salle, au plus près des deux musiciens, pour davantage d’échange et d’émotion. Pas grave, l’espace d’une soirée, nous étions déjà un peu en Grèce, avant le vrai plongeon à Mytilène dans deux jours – on ne pouvait rêver plus musical prélude…
Un avant goût inespéré pour un plaisir que tu sais partager. Καλές διακοπές !