Mes copines B et M, nouvelles abonnées de Netflix et d’OCS, m’avaient demandé en fin d’année, quelles étaient les grandes séries qui nous avaient particulièrement marqués en 2017. Vu les programmes anémiés que nous infligent les chaînes gratuites, ces deux chaînes payantes sont devenues incontournables quand on recherche des séries originales et sagaces, sans pub ni horaire imposé. Les mini-séries (moins de 10 épisodes, une seule saison) s’apparentent en fait à des films qui prendraient le temps de développer histoire et personnages, en bénéficiant de gros moyens financiers, des meilleurs scénaristes, de metteurs en scène renommés et d’acteurs qui s’investissent dans un projet de plusieurs mois. Revers de la médaille, Netflix et OCS sont addictives, chronophages et responsables d’heures de sommeil rabotées.
Inutile de s’étendre sur Game of Thrones et The Walking Dead, les fleurons d’OCS, ou sur Orange is the new black chez Netflix, que l’on suit comme des affamés, même si une baisse de qualité et un manque de rigueur sont très problématiques sur leur dernière saison respective. Westworld, sortie et dévorée en 2016, est elle aussi hors compétition (même si je la considère comme l’une des plus passionnantes et intelligentes séries jamais réalisées).
Mon Top 3 en 2017
Sans surprise, The handmaid’s Tale caracole en tête du classement. Rares sont les romans qui supportent les adaptations à l’écran. Le plus souvent, je peste contre le brouet clairet qui subsiste après les élagages des scénaristes et les trop grandes simplifications qu’impose un film de deux heures sur un livre de cinq cent pages. C’est exactement le contraire qui s’est produit avec le roman de Margaret Atwood, qui se retrouve sublimé dans une série incroyablement maîtrisée, visuellement parfaite (l’esthétisme est saisissant), et qui sait prendre son temps. Là où je me suis laissée embarquer sans résistances, fascinée ou horrifiée par cette vision d’un futur proche, malheureusement envisageable, le livre m’a paru longuet et surtout épouvantablement mal écrit. Certes, le travail de la romancière est implacable sur le fond, sa réflexion sur la dérive d’une démocratie vers une dictature militaro-religieuse est habile, voire clairvoyante, et la pérennité de cette nouvelle société repose sur une analyse subtile des rapports de domination/soumission. Cependant, le texte reste d’une froideur, d’une distance toute clinique, sans une once d’émotion. Si les images suintent l’angoisse et la peur permanente dans un environnement silencieux et anxiogène, nulle tension ne transparaît dans l’écriture fastidieuse. Margaret Atwood dépeint l’engrenage qui prive les femmes de leur identité, de leur individualité, à travers le personnage d’une Servante presque apathique, résignée, très loin d’une héroïne qui remet en question sa condition de “ventre sur pattes”. La série, sans en faire un personnage révolté caricatural, lui donne de l’épaisseur, une colonne vertébrale, une conscience, qui finit par la mener vers le refus de l’autorité imposée au péril de ce qui lui reste de vie, pour elle-même, et aussi par solidarité avec les autres Servantes. Les scénaristes ont pris peu de libertés avec le roman éponyme dans le déroulé des événements, mais leurs quelques ajouts (qui actualisent aussi un livre écrit il y a plus de trente ans) deviennent des évidences, humanisent et donc complexifient des personnages trop monolithiques, ternes et lisses sur papier.
Suit juste derrière l’incroyable 13 Reasons Why, bouleversante série sur le harcèlement et le suicide chez les ados. Les pisse-froids timorés (canadiens et américains), refusant de voir les dérives de cette génération ultra-connectée qui vit par écran interposé, ont toussé jusqu’à interdire les débats autour de la série dans les écoles. C’est dire à quel point elle appuie là où ça fait mal. Car chacun en prend pour son grade, des parents qui ont abdiqué aux équipes pédagogiques qui se voilent la face, en passant par les ados qui ne différencient plus la réalité du virtuel. Là aussi, les filles paient le prix fort, victimes silencieuses évidemment coupables, que l’on retrouve les veines tranchées dans une baignoire parce qu’il n’y a plus d’autre solution.
Enfin, pour alléger l’ambiance, enfin pas tant que cela…, Penny Dreadfull, découverte tardivement alors que la série a récolté au long de trois saisons un concert de louanges. Hommage à la littérature gothique, à la ville de Londres et à la poésie anglaise du xixe, la série surprend à chaque épisode par son étrangeté, son audace, patchwork bigarré où l’on croise Frankenstein, Dorian Gray, Docteur Jekyll, un loup garou, une medium aimée d’un ange déchu, un égyptologue déjanté, Jack l’éventreur… et les vers de John Clare, de Tennyson et de Wordsworth. Si la série est portée par Timothy Dalton et la sublissime Eva Green, c’est l’acteur shakespearien Rory Kinnear, dans le rôle de la créature blafarde de Frankenstein, qui donne à Penny Dreadfull sa dimension lyrique.
Autres séries dont on a eu du mal à se décoller :
Black Mirror (saison 1 à 4)
Épisodes sans lien entre eux sur les dérives à venir de notre société, où les nouvelles technologies et les réseaux sociaux sont omniprésents, le voyeurisme constant, et la manipulation de l’information permanente. Série parfois inégale, mais vraiment perturbante, voire effrayante.
Godless, un vrai western un peu différent.
Tout y est, et même davantage. D’abord, c’est magistralement filmé, les paysages sont à vous couper le souffle, le directeur de la photographie s’est autorisé de grandioses effets visuels avec les éléments en plans larges (couchers de soleil, orages, jeux d’eau dans les rivières – on redécouvre à quel point l’Ouest peut être sublime). Ensuite, les codes sont parfaitement respectés : le héros solitaire poursuivi par des bandits très méchants, un shérif un peu cabossé, une veuve à fort caractère, quelques Indiens, des gens de la ville venus faire main basse sur une mine et une histoire d’amour contrariée. Mais il y a surtout le bled paumé La Belle, où ne vivent que des femmes bien trempées, veuves, sœurs et orphelines de mineurs décimés au fond du puits, qui prennent leur destin en main et défendent chèrement leur pré carré.
The Crown (saison 1 et 2).
Sur le papier, 6 saisons consacrées au règne d’Élisabeth II, ça n’avait rien de bien passionnant… et pourtant ! Quelle remarquable réussite, tant sur le fond que sur la forme, portée par un casting impeccable. D’abord parce que les scénaristes n’occultent rien des déboires historiques de la famille Windsor, de ses tragédies, de ses choix douteux, de ses trahisons (des amitiés nazillardes d’Édouard VIII au scandale Profumo). Ensuite, parce qu’on y découvre une famille presque comme les autres dans son intimité, avec des difficultés de couple, des interrogations sur l’éducation des enfants, des chagrins et des incompréhensions. Et surtout, parce que l’on y touche au plus près la dureté du pouvoir, l’isolement qu’il implique, les responsabilités et les sacrifices imposés à des êtres humains pas si différents de nous mais écrasés bien malgré eux sous la charge du « devoir », du « rang » et du « protocole ».
The Killing, série policière en quatre saisons
Série passée un peu inaperçue (parce que classique dans la forme – disparition d’une ado et enquête de deux flics que tout oppose), mais remarquablement écrite, interprétée, et surtout réalisée. C’est implacable, sans espoir, mais on s’accroche à ces deux anti-héros qui traînent de sacrées casseroles personnelles, et qui plongent dans la noirceur de crimes abominables sous la pluie battante de Seattle.
The Fall, série policière en trois saisons
Face à face disséqué au scalpel entre une flic de Londres et un tueur en série dans les rues de Belfast. L’identité du tueur étant dévoilée dès le premier épisode, la série s’attache à comprendre comment un bon père de famille perd pied et tue, submergé de haine, à intervalles réguliers. C’est intelligent, complexe, anxiogène, et magnifiquement interprété par une Gillian Andersen très inspirée.
Je conseille aussi les deux séries sur les balbutiements du FBI en matière de profilage, Mindhunter et Manhunt : Unabomber. Pour réviser la langue de Goethe et se perdre dans les boucles temporelles, la série allemande Dark mérite aussi qu’on lui consacre quelques soirées.
Les séries qui partaient bien mais qui se sont perdues en route :
Sense 8 , The OA, Strange Things saison 2, Captive, autre roman de Margaret Atwood passé à l’écran, mais sans les moyens de The handmaid’s Tale.
Et pour les amoureux/ses de Benedict Cumberbatch (j’en suis), tous les épisodes de Sherlock sont disponibles sur Netflix.
Bien d’accord avec toi, la meilleure série que j’ai vu l’année passée, c’est bien « La servante écarlate ». J’ai aussi regardé The Killing, mais dans sa version danoise en trois saisons en tout et pour tout.. Quant aux autres je vais retenir le nom de Penny Dreadful. Plus près de nous, j’ai bien aimé la série française : « Le bureau des légendes », magnifiquement interprétée notamment par Daroussin. Je te la recommande vivement.